Fibromyalgie : « Insoutenable ou gérable, la douleur est toujours là »

Une grosse fatigue, des douleurs dans tout le corps, des troubles du sommeil… La fibromyalgie est une maladie encore méconnue et sous-diagnostiquée. À Ploërmel (Morbihan), Valérie Thomas, 55 ans, raconte son parcours de souffrance.

Tout a démarré en 2014 après une intervention chirurgicale sur un fibrome. Je me suis mise à gonfler, à avoir des douleurs pas possibles, alors que je n’avais pas de problèmes de santé auparavant. On n’a pas compris ce que je faisais. Je suis repassée au bloc, en urgence. Et rebelote, une troisième fois. Je souffrais beaucoup, j’avais du mal à marcher, je pensais que c’était les douleurs dues à l’opération, en fait c’était la fibromyalgie qui se mettait en place. J’ai eu du mal à m’en remettre ; je suis restée un an sans travailler, quasiment couchée toute la journée…

Le diagnostic

Mon généraliste m’a envoyé voir un rhumatologue à Rennes, qui a tout de suite parlé de fibromyalgie. J’ai eu beaucoup de chance dans mon malheur car j’ai été diagnostiquée très rapidement. Un an quand même, tout est relatif… Souvent les gens traînent de médecin en médecin, sans savoir ce qu’ils ont.

Un quotidien douloureux

Les douleurs à différents endroits, les troubles du sommeil, la grande fatigue, les problèmes de concentration ou de mémorisation, les maux de tête, les troubles intestinaux… C’est assez divers selon les personnes mais j’ai connu tout ça. Et j’ai mis en place différentes choses qui me permettent de pallier. Plus ou moins bien, selon les jours. Certains jours sont insoutenables, d’autres gérables, mais ils ne sont jamais sans douleurs.

Le corps dit stop

J’avais une vie très active, deux enfants, un mari, des entreprises à gérer à ses côtés (supermarchés puis taxis ambulances, N.D.L.R.), une maison à m’occuper, une vie associative dense… Il y a souvent ce point commun chez les fibromyalgiques de vouloir tout faire bien, se mettre la pression, faire des listes, organiser, penser aux besoins de tout le monde… et s’oublier soi-même. La fibro, c’est comme si le corps disait stop à un moment !

Un deuil à faire

Quand on est diagnostiqué, on s’attend à un traitement et il n’y en a pas vraiment. Il va falloir vivre avec. C’est comme un deuil, avec le déni, la colère, la dépression, l’acceptation. Il faut passer par toutes ces phases pour mettre des choses en place et pouvoir aller mieux..

Cure thermale

On doit se prendre en charge, le médecin n’a pas le temps. Je suis allée chercher quoi faire sur Internet… Trois mois après, j’étais en cure thermale, à Dax, réputée pour ça. C’est la meilleure chose que j’ai pu faire, car en plus des soins du matin, j’ai gagné un temps fou sur ma maladie et la compréhension de ce qui m’arrivait, grâce aux groupes de parole de la sophrologue l’après-midi..

Carpe diem

J’ai vu ceux qui s’enfonçaient d’une année sur l’autre, et ceux qui allaient de mieux en mieux. J’ai choisi mon camp, le deuxième, j’ai profité de leur expérience. J’ai aussi pris conscience que la priorité c’était d’abord soi, qu’il fallait s’écouter, ne plus trop anticiper, vivre l’instant présent, lâcher prise. C’est compliqué. Pour soi, et pour ses proches. Ça change les priorités. Ça change aussi le caractère..

Trouver sa solution

Je suis suivie dans un centre antidouleur et j’ai un traitement par antidépresseurs depuis 2015. Mon souhait est de l’arrêter, au moins de le diminuer, car je n’aime pas l’idée d’avaler des médicaments à vie, mais c’est compliqué. J’ai essayé en parallèle beaucoup de choses : tens, acupuncture, tapis fakir, balnéo, kiné, coussin de massage, yoga, marche nordique, magnétothérapie… Certaines marchent, d’autres pas.

Sa « petite victoire »

Depuis deux ans et demi, je me forme à la sophrologie. Avec l’idée de partager ce savoir et d’aider les autres. Cette maladie, c’est presque devenu une chance même si elle me fait souffrir ! C’est une renaissance, une nouvelle vie. Je me construis une vie différente, je m’autorise à dire non, à vivre mes envies..

L’expertise Inserm et ses recommandations

Entre 1,4 et 2,2 % des Français seraient atteints de fibromyalgie, mais l’absence de marqueur biologique spécifique, tout comme les résultats – très variables – des études d’imagerie cérébrale réalisées jusqu’à présent, rendent le diagnostic difficile à poser.

La prise en charge de ces patients est également complexe et nécessite souvent une approche multidisciplinaire adaptée à chacun. Enfin, les investigations chez les jeunes souffrant de douleurs chroniques diffuses doivent être renforcées, ainsi que les recherches sur l’origine et les conséquences d’une telle douleur survenant dans l’enfance et l’adolescence.

Ce sont là quelques-unes des conclusions et des recommandations de l’expertise Inserm, demandée par la Direction générale de la santé et rendue publique en octobre 2020. Plus de 2 000 documents scientifiques publiés au cours des dix dernières années ont été épluchés par les quinze experts.

Une journée mondiale et une campagne

Coup de projecteur sur la maladie, la Journée mondiale du 12 mai se double d’une campagne de sensibilisation lancée par la SFETD (société française d’étude et de traitement de la douleur), en lien avec l’association Fibromyalgie France. Le film présente des scènes de la vie quotidienne a priori anodines, mais qui sont de véritables épreuves pour les malades : « La fibromyalgie, on la connaît mal, pourtant ça fait très mal ».

Un questionnaire pour se dépister

Le Pr Françoise Laroche est rhumatologue au Centre d’évaluation et de traitement de la douleur de l’hôpital Saint-Antoine, à Paris. Elle répond sur l’errance diagnostique, souvent pointée du doigt.

Pourquoi cette errance dans un pays pionnier pour la prise en charge de la douleur ?

Parce que les lésions à l’origine des symptômes ne sont pas objectivables par des examens de routine, comme une prise de sang ou une radiographie, elles déroutent les soignants et les patients… La fibromyalgie est, à l’image des troubles fonctionnels intestinaux par exemple, une authentique maladie de la douleur. Il semble que le cerveau ne soit pas capable de moduler les circuits de la douleur.

S’il est vrai que nous avons des structures dédiées en France, les fibromyalgiques sont si nombreux (1,6 million) qu’elles ne suffisent pas. Et les médecins de famille, qui ne sont pas formés à cette maladie (dont on sait encore si peu), peuvent être dans le déni.

Quels critères aujourd’hui pour le diagnostic ?

Ceux dont nous disposons font actuellement référence. Ils peuvent évoluer, s’affiner, à la faveur de nos découvertes. Il existe par ailleurs un autoquestionnaire de dépistage en six questions, FIRST, (accessible sur le site fibromyalgiesos.fr), que l’on peut donc s’auto-administrer, si l’on souffre de douleurs chroniques diffuses, musculaires, articulaires et/ou tendineuses depuis plus de trois mois.

Cinq réponses positives sont hautement prédictives du risque d’être atteint d’une fibromyalgie (90 % de probabilité). Les examens complémentaires sont souvent inutiles… (Dr Brigitte BLOND)

Des solutions forcément hétérogènes

Le Dr Caroline Maindet est médecin de la douleur au Centre d’évaluation et de traitement de la douleur du CHU de Grenoble. Elle évoque les traitements et médicaments..

Quel traitement apporter ?

L’annonce du diagnostic est déjà l’amorce du traitement, car il permet au patient d’avancer, avec l’objectif de faire des projets et non plus seulement de ne pas avoir mal. Dûment informé, il est encouragé à se remettre en mouvement : l’activité physique est au cœur de la prise en charge, et ce n’est pas un paradoxe !

Ces personnes douloureuses, fatiguées, déconditionnées, doivent être réentraînées à l’effort, sur prescription. Pas de club de sport, mais des activités du quotidien, à encadrer par un kiné, un moniteur d’activité physique, etc., pour qu’elles soient adaptées et soutenues. En complément, on préconise des pratiques qui lient le corps et l’esprit, yoga ou taï-chi. Les cures thermales aussi sont efficaces.

Existe-t-il des médicaments spécifiques ?

On recourt éventuellement aux médicaments pour calmer la douleur, régler un problème d’insomnie, mais ces « roues de secours », non spécifiques, n’apportent pas toujours le soulagement escompté. Mieux vaut tabler sur les approches non médicamenteuses, d’autant que la fibromyalgie se présente très différemment d’une personne à l’autre. Les solutions sont donc forcément hétérogènes. Nous sommes loin d’avoir compris tous les déterminants de la fibromyalgie et les pistes pour des traitements spécifiques sont actuellement incertaines. (Dr Brigitte BLOND)

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